16 mai 2013, Hôtel

 

Je rentre à peine de mon entrevue avec la vieille dame arménienne. Je sens qu'il se passe des choses ici. 

 

Sur les cimetières, voilà ce qu'elle m'a dit :

 

Pendant très longtemps, seuls les stambouliotes aisés pouvaient jouir d'un jardin. Les cimetières étaient alors les seuls espaces verts ouverts à tous. Conformément à l'idéal de la cité islamique, ils encerclaient Istanbul d'une verdure abondante. Toutefois, la ville ottomane avait une particularité : les cimetières des différentes confessions y étaient juxtaposés. Ces derniers, au nombre de 194, occupaient une étendue de 493 ha en 1992 et constituaient de réelles coupures vertes dans un espace urbain extrêmement dense.

 

Mais voilà le plus intéressant. J'ai peur que tout cela ne présage rien de bon...

 

Des travaux d'excavation récents ont permis de découvrir que le parc Gezi-Taksim a été construit sur l'emplacement d'un cimetière arménien. Qui plus est, me dit la vieille, un monument en hommage aux victimes du génocide, brièvement érigé pendant l'occupation de la ville par les Alliés en 1919, a, lui aussi, été recouvert. « Et la communauté arménienne a demandé réparation ? » lui ai-je demandé.

- "Oui. De jeunes militants arborant le slogan « Vous avez pris notre cimetière, vous n'aurez pas notre parc » on même édifié un tombeau symbolique sur lequel on peut lire : «  Cimetière arménien Sourp Hagop 1551-1939 »." (G. PERRIER, "Sous le parc occupé d'Istanbul, un cimetière arménien", Le Monde, juin 2013)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J'ai voulu en savoir plus sur ce cimetière. Elle m'en raconta l'histoire. Le sultan Soliman le Magnifique était apparemment la cible d'un complot. On projetait d'empoisonner son dîner. Mais l'un des cuisiniers remarqua le poison. Il alla en informer le sultan. Pour le remercier, ce dernier lui accorda une faveur. Le cuisinier demanda un cimetière où les gens de sa communauté pourraient se recueillir.